Chapitre 15

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— Votre Altesse, levez les yeux, levez les yeux. 

Michaël obéit et observa le plafond de sa suite pendant que la principauté chantait. Sur ses sourcils et ses tempes apparurent alors des diamants étincelants. Une autre principauté chanta, pour faire rosir ses lèvres, une autre encore, pour couvrir son cou et son plastron de paillettes.

Habitué, Michaël se leva et écarta les bras. Les dizaines de principautés qui l’entouraient l’enveloppèrent dans une robe de soie orange et rouge, rehaussée d’un manteau argenté. Puis els tressèrent ses cheveux, pour les remonter dans un chignon royal, le parfumèrent de lilas et de fruits rouges. La dernière étape fut l’octroi des bénédictions. Trois prêtes séraphins balancèrent des encensoirs enflammés autour de Michaël en récitant des chants anciens dont plus personne ne connaissait le sens. Lorsque la préparation cessa enfin, le jeune prince congédia les élohim et attendit, seul. Enfin, presque.

— Tu ressemble presqu'à un archange, ria Nana, qui appliquait seul son propre maquillage.  

Michaël l'ignora. Sasha entra alors dans la suite, tout vêtu de vert.

— Vert ? commenta Nana. C'est la couleur de Netzach ça. Pas de Hod, ni de Guebourah. 

— Netzach est le royaume de la Victoire, rappela Sasha. On célèbre une victoire aujourd'hui, non ?

Pas tout à fait, pensa Michaël. Mais el sourit.  El quitta sa suite pour monter au célestoport sur le toit. Alors qu'el sortait de sa tour, Michaël vit des centaines de milliers d'élohim voleter au dessus des avenues du vaisseau monde. Leur clameur l'inonda encore, l'emplissant d'une énergie folle. Le jeune Fitzarch monta dans un vaisseau, qui s'éleva en direction de la Sphère des navigateurs. 

Dans le réseau EL, les chants de gloire des élohim résonnèrent.

“Nous sommes les gardiens du Créateur

Son corps nous reconstruisons

Son âme nous recomposons

Sa Création nous gardons en son nom”

Des centaines de vaisseaux tout autour se lancèrent dans la même ascension. Au chants traditionnels s'ajoutèrent des ovations. 

"Michaël ! Champion ! Michaël ! Champion ! Michaël ! Champion !"

Michaël sourit et envoya des ondes reconnaissantes dans le réseau. Après un voyage d'une heure et demi, sa navette arriva enfin non loin de la sphère. Dans le réseau, les navigateurs ordonnèrent aux élohim qu'els avaient convié de sortir de leurs vaisseaux. Tous s'exécutèrent et déployèrent leurs ailes pour tournoyer autour de la sphère. Cette dernière semblait être faite de bronze. Son diamètre faisait un peu plus d'un kilomètre. Alors que Michaël pensait qu'el lévitait, el découvrit que la structure était suspendue au dessus du vide par des chaînes titanesques, ancrées au sommet du ciel artificiel du vaisseau-monde.

— Ce n'est pas comme ça d'habitude, commenta Sasha. Els ont mis ces chaines au cas où…

Michaël contempla la sphère sans rien dire. Sa surface était taillée de motifs anciens, circulaires, qui représentaient un tourbillon d’élohim aux yeux et aux bouches grands ouverts. Els étaient tous liés les un aux autres par des cordes passées à leurs cous. Leur envol était figé dans le temps et l’espace. Michaël s’approcha. Les ailes des bas reliefs s’animèrent, battirent lentement. Les cordes se tendirent, tirèrent sur les élohim qui finirent emportés par la tempête. Une bourrasque à l’odeur métallique balaya Michaël et sa suite. Pendant ce temps, le tourbillon d’élohim s’ouvrait pour laisser un large passage vers le cœur du vaisseau. Il était noir. Impossible de distinguer ce qui se cachait derrière. Michaël fut tiré vers ce trou sombre sans même battre des ailes. El passa son horizon noir en fermant les yeux. Lorsqu’el les rouvrit el se trouva la corde au cou. 

— Ah ! Heeeeh

Michaël se racla la gorge, souffla pour s’assurer de bien respirer. A ses cotés, Nana brailla. El s’était retrouvé pendu el aussi, mais par les pieds. Michaël battit des paupières. Son regard se perdit dans un espace vide, infini. Mais sous el, une grande boule de lumière chaude pulsait. Michaël leva le menton, et évita à tout prix de baisser les yeux. 

— Aller, aller venez, murmura le jeune prince. 

Peu à peu, d’autres élohim apparurent dans le vide non loin. Des vertus de haute génération, command'ailes des chorales passagères du vaisseau, des puissances, chefs de la sécurité, des ophanim, veilleurs du dehors et du dedans, des chérubins, en charge des systèmes du Domitia. Il y avait aussi des séraphins, porteurs de leur flamme purificatrice et des principautés qui faisaient… des trucs de principautés. Menées par Sasha, ces dernières maintenaient le moral des troupes à un niveau ni trop bas, ni trop haut, ce qui soulageait la charge mentale des command'ailes. 

Les nobl'ailes, bien qu'inconfortablement pendus dans le néant, commencèrent à discuter en attendant la venue des chérubins-navigateurs. Lorsqu'els apparurent, surgis de nulle part dans l'obscurité, tout le monde se tut. 

Les chérubins-navigateurs étaient une création chérie du Psychopompe. A l'époque du jeune Tikkun, à l'aube de la société élohienne, els avaient été créés pour guider les élohim à travers les turbulences de l'espace inter-céleste. Esquivant les hordes démoniaques qui circulaient dans l'infini, els encaissaient aussi les tempêtes psychiques qui balayaient l'espace-temps. Ces dernières étaient causées par le passages des âmes des mortels, sur leur chemin de Malkouth à Kether. Toute leur ascension durant, les âmes étaient mises à l'épreuve par les anges, qui devaient trier celles qui pouvaient rejoindre EL, de celles qui n'étaient pas encore assez matures et devaient redescendre, se réincarner, pour retenter leur chance à la fin de leur prochaine vie. 

Les tempêtes psychiques, bien que causées par l'intensité du voyage des âmes, étaient très dangereuses pour les élohim lambdas. L'énergie des âmes pouvait tout simplement éteindre leur halo, balayer leur esprit jusqu'à le faire disparaitre dans le flux psychique. Ainsi, le Domitia lui-même abritait ses passagers, mais c'était les navigateurs qui devaient trouver les chemins les plus sûrs pour éviter de gros dégâts. La science de la navigation était complexe, ésotérique. Dans leur sphère, les navigateurs s'adonnaient à d'étranges rituels. Pour dompter les vents psychiques, els se mettaient eux même à l'épreuve, corps et esprit. Mais le secret les entourait. 

— Passagers, salua Stormiel, le command'aile des navigateurs. 

Tous les élohim présents, même Zinebiel, Grand Capit'aile et Michaël le Fitzarch, inclinèrent leurs halos devant Stormiel, autant qu'els le purent, ainsi pendus. Sasha avait eu raison, les navigateurs étaient baraqués, plus que des puissances-soldats. Els étaient énormes, très larges et un peu trapus. Leurs centaines d'yeux ne clignaient jamais. Els portaient des manteaux sombres et paraissaient être davantage des guerriers que des scientifiques.

— Saluez les âmes, ordonna Stormiel. Elles sont les fragments de notre père EL. Honorez-les.

Les élohim baissèrent leurs regards sur la sphère orange qui pulsait dans le néant, en dessous. Michaël vit alors un fleuve cascader à tout rompre dans un ciel infini, pourtant silencieux. Le jeune Fitzarch avait tant de fois admiré le puit des âmes du Sanctuaire de Kokab. Et pourtant, ce qu'el voyait maintenant le bouleversa. Les âmes luttaient, sifflant une litanie douloureuse. Pauvres petit êtres. Pourquoi leur infliger cela ? 

— Sommes nous au complet ? demanda la domination Zinebiel, el aussi déstabilisé. Ah non il en manque encore…

Le capit'aile attendit qu’une petite centaine d’autres élohim arrive. Els n’étaient pas au complet. Le commandant des puissances ordonna qu’on ailles les chercher. Mais Zinebiel, à cour de patience, décida de ne pas attendre les quelques retardataires.

— Je déclare le comité de commandement exceptionnel ouvert. 

Puis el posa son regard sur Sasha. Drapée dans sa sublime robe verte, el déclara :

Nobles élohim

Nous sommes réunis dans le cœur du Domitia

Qui nous mène depuis un mois sur la route du Pendu 

Ainsi nous fûmes suspendus dans le temps et l’espace

Par les ténèbres, qui nous prîmes nos chefs

Mais que le jeune prince céleste a vaincu

Encore nous sommes suspendus par le cou, par les pieds

Mais maintenant de notre propre volonté

Nous pendons à huit clos

Pour qu’EL à travers nous, mène les élohim de Hod jusqu’à Madim l’assiégée

Pour les protéger des inquiétudes que seuls leurs command'ailes doivent porter

Hors d’ici, silence

Sur le réseau EL, silence

Zinebiel hocha la tête, le regard haut.

— Discutons de la survie du Domitia ! clama la domination pour ouvrir la discussion.

C'est le command'aile des séraphins qui prit la parole.

— EL nous éprouve. La trace des ténèbres persiste à bord du Domitia. 

— Nous le savons, séraphin, dit Zinebiel. Où en est la purification des tiens ?

— Mes séraphins travaillent sans discontinuer, mais seul un tiers du vaisseau à été déclaré pur. 

— Un tiers ?! s'exclamèrent plusieurs élohim. 

C'est Nana qui prit alors la parole :

— Nous atteindrons Guebourah dans dix jours. Si nous ne sommes pas purs d'ici là, els nous détruiront sans hésiter. 

— Els ne peuvent pas faire ça, protesta une vertu command'aile. Nous sommes les renforts qu'els ont tant appelé. 

— Madim, leur capitale, est déjà au bord d'un gouffre de ténèbres, expliqua Nana. C'est une forteresse assiégée. Les miliciens là-bas ne tolèreront pas la moindre corruption entre leurs murs. 

— Nous prendrons donc le temps de tout purifier avant d'entrer dans leur royaume. 

— Nous sommes à cour de temps, prévint Stormiel. 

Un silence grave tomba. 

— Le Domitia est un court-courrier. De plus, il est gravement endommagé. Nous devons atterrir à Madim d'ici deux semaines maximum. Au-delà, nous risquons une implosion catastrophique. 

— Nous allons donc redoubler nos efforts, clama Zinebiel, dans une salle toujours silencieuse. 

Le cœur solitaire de Michaël se remplit d'horreur. El savait depuis quelques jours déjà que le pronostic du Domitia n'était pas bon. El espérait entendre parler de progrès encourageants aujourd'hui. 

— Le peupl'aile ignore tout de notre destin précaire, annonça alors Sasha. Mes ouailles font en sorte de les distraire, pour qu'els ne posent pas de questions. Devrions nous changer de méthode ?

— Changer de méthode ? demanda Zinebiel sèchement. 

— Annoncer que notre situation est… risquée.

— A quoi cela servirait-il d'effrayer les millions d'élohim à bord ?! s'agaça Zineb. 

— Nous pourrions les engager dans l'effort de purification ?

— Seuls les séraphins peuvent purifier les ténèbres, par le feu sacré, dit soudain Michaël. 

Les regards se tournèrent vers el.

— Je pourrai peut-être parler aux services de Guebourah juste avant notre arrivée, proposa Michaël. En tant que Fitzarch, els auraient des problèmes si els… m'atomisaient avec le Domitia. 

— Nous pourrions négocier avec eux, ajouta Sasha en affichant un sourire rayonnant. Els ne sont pas stupides. Els pourront comprendre notre situation et prendre des mesures raisonnables pour accueillir les passagers dans leur royaume. 

La principauté s'efforçait d'insuffler de l'espoir parmi ses pairs. 

— Les guébouréens ne sont pas réputés pour leur magnanimité, râla Zinebiel. Els ne sont pas enclins aux discussions. 

— Els le seront, insista Michaël, qui se tourna alors vers Nana. 

— Géhenna pourra nous aider, non ?

Nana pinça ses lèvres.

— Probablement, dit el en levant les épaules.

Michaël laissa échapper un soupir agacé. Soudain, la sphère vibra. Sasha poussa un cri d'horreur :

— Il se passe quelque chose dehors ! 

Les chérubins-navigateurs se mirent à gronder. La corde autour du cou de Michaël se serra. Avant même qu'el ne puisse comprendre ce qui se passait, el se sentit projeté en arrière. La lumière du ciel artificiel l'aveugla alors que déjà, les élohim du Domitia saisissaient son corps. 



"On va mourir ! Qu'EL nous sauve !"

"Vous avez caché la vérité ! Sales nobl'ailes menteurs !"

Michaël se débattit, cria. Quelqu'un avait révélé le secret du comité de commandement. Le destin précaire et mortel du Domitia. El ne sut pas comment, mais Michaël trouva la force de se calmer. El sut que les vertus de Hod présentes là ne lui feraient pas de mal. El était leur champion après tout. Alors Michaël fit ce qu'el savait le mieux faire. El tendit un filet et le jeta sur les élohim. Mais au lieu de diffuser des thaumaturgies assommantes, el envoya des ondes de courage, accompagnées de ses mots :

Je me battrai pour vous ! Élohim ! Je me battrai pour vous !

Michaël répéta, à voix haute et dans le réseau EL, sur les mailles de son filet, cette simple phrase pendant un long moment. El tenta d'apaiser discrètement les autres nobl'ailes tout autour, rendus hystériques par l'assaut du peupl'aile bafoué. 

"Vous allez fuir sans nous ! Comme les sous-capit'ailes !"

"Il n'y a pas assez de vaisseaux d'évac pour nous tous !" 

"Les nobl'ailes seront prioritaires !"

Non ! Je me battrai ! répéta encore Michaël. Je suis un Fitzarch par EL ! Le champion du Domitia !

Les élohim ouvrirent peu à peu leurs esprits aux paroles du Fitzarch. Els transportèrent Michaël dans les airs et le posèrent finalement sur le toit d'un vaisseau-navette. Michaël jaugea un instant la situation de ses pairs nobl'ailes, qui après la panique, jouaient à leur tour, plus ou moins bien, l'apaisement. Les élohim se désintéressèrent d'eux, intrigués par Michaël. 

Je suis un Fitzarch ! Vous pensez que Guebourah va me détruire !? s'égosilla le jeune prince, les yeux perçants d'indignation.

"Tu vas fuir !" clama le peupl'aile.

Non ! Je ne fuirai pas ! JAMAIS ! Et vous savez quoi ?! C'est moi qui aie fait disparaitre les sous capit'ailes ! 

Les élohim échangèrent des regards surpris.

Els voulaient fuir, eux ! Et j'aurais pu fuir avec eux ! Mais NON ! HORS DE QUESTION ! Alors je les ai foutus dehors ! Adieu !

Les élohim ne surent pas comment réagir à cet aveux. Michaël chercha Zinebiel du regard, sans le trouver. Cependant, el entendit un cri qu'el reconnut immédiatement, celui de Nana. Mais la vertu de Géhenna disparu, engloutit par la foule. 

Nous allons purifier ce vaisseau de fond en comble tous ensemble ! annonça Michaël. Par la volonté d'EL, le feu sacré des séraphins coulera sur mon filet et sur vous ! Regardez ! Regardez mon filet !

Michaël relança les mailles dorées de sa toile et l'étendit à des kilomètres à la ronde. La lumière de son halo se décupla, pour devenir aveuglante. L'énergie de la lumière circula douloureusement dans son corps, une brûlure terrible que le prince supporta en grimaçant. Mais ses yeux restèrent remplis de détermination, alimentée par l'indignation. Les peupl'ailes avaient tant l'habitude d'être abandonnés à leur sort qu'els avaient assumé que tous les nobl'ailes fuiraient. Or cette éventualité n'avait été formulée par personne dans la sphère. Ni par Zinebiel, ni par les command'ailes, encore moins par les navigateurs. Et pourtant, la réputation des nobl'ailes les avaient précédés.

Comment nos aînés ont-els pu abandonner leurs enfants des millénaires durant ?

Le filet de Michaël atteignit soudain des proportions surnaturelles. El finit par recouvrir l'entièreté du monde du Domitia. Les élohim, aussi ravis que stupéfaits, furent soudain portés par un espoir fou. Leur clameur redevint celle de l'adoration et de la joie.

Michaël el, se retint de toutes ses forces pour ne pas hurler de douleur.

Des filets de cette taille, el en avait tissé de nombreux dans le cosmos de Malkouth, ou dans les cieux de Hod. Cependant, le vaisseau monde ne bénéficiait pas des lois légères qui régissaient les univers où el avait exercé. La pression présente ici était insupportable. Une seule solution pour tenir : se détacher de sa fragile coquille corporelle pour adopter sa véritable forme : l'apocalyptique. Cette même forme qui avait balayé son esprit pour détruire les démons de la Flèche. Cette même forme que Michaël ne maîtrisait pas du tout. 

Michaël appela soudain Sasha. 

La principauté volait librement par-dessus la foule des élohim. El-même avait subi leur colère, mais s'en était déjà remise. El avait utilisé sa beauté, son pouvoir de présence, pour s'en tirer. Mais son visage était grave. El se posa auprès de Michaël, qui trouva là la parfaite excuse pour replier son filet et faire cesser sa souffrance. 

Il est arrivé quelque chose à Zinebiel, annonça Sasha à l'oreille de Michaël. El te demande à ses côtés.

Le jeune Fitzarch fit en sorte de ne pas montrer son trouble. 

Que lui est-il arrivé ? demanda Michaël. 

— Je ne sais pas, el n'a pas voulu me le dire. Mais c'est très important. Tu dois y aller, je le sens. Je peux distraire le peupl'aile un moment, le temps que tu t'en ailles.



Zinebiel avait donné rendez-vous à Michaël dans le nid des plaisirs de Sasha. En arrivant, Michaël se sentit sûr du sujet que la domination allait aborder.

Les sous capit'ailes assassinés.

La conscience de Michaël s'en était soulagée ces derniers jours, depuis son irruption sur la scène. La culpabilité, si forte qu'el l'avait terrassé, l'avait finalement simplement quitté. Comment ? Pourquoi ? Michaël ne s'en souvenait pas.

Mais Zinebiel el, venait enfin de comprendre comment ses sous-capit'ailes avaient vraiment fini. Expulsés au-dehors, livrés à une mort atroce. Michaël avait tout avoué devant les peupl'ailes. Et à présent, el allait peut-être subir le même sort que ses victimes.

Le Fitzarch s'avança et descendit d'el-même dans le sous-sol du nid, dans le petit garage secret où les sous-capit'ailes avaient préparé leur départ confidentiel. Le temps pressait. Le peupl'aile, méfiant, s'agitait au-dehors. Michaël entra.

El vit alors Zinebiel, allongé sur le sol, baignant dans une mare de sang doré. Ses yeux inanimés étaient encore grands ouverts. 

Michaël se figea. Son corps ne lui répondit plus, mais son esprit passa en mode survie. El tourna la tête et trouva alors Nana, assis dans le poste de contrôle. Couvert de sang doré, la vertu jouait nonchalamment avec un poignard. En voyant Michaël, el sourit.

— Qu’est-ce qui s’est passé ?! s’écria Michaël, juste avant de voir que la tunique de Nana était maculée de sang doré. El tenait un poignard à la main. Michaël reconnu celui dont el s’était servi pour tailler ses veines et révéler son identité. 

— Qu’as-tu fait ?! demanda Michaël, les yeux écarquillés. 

Nana ricana. 

— Comment vous sentez-vous votre altesse ? minauda-t-el.

— Quoi ?

— Michaël ! Champion ! Michaël ! Champion ! Tu vas retourner tout Guebourah mmh ? Prendre le commandement des chorales hodiennes et hop te lancer ? 

— Je ferai ce qu'il faut pour sauver les élohim ! clama Michaël, son regard brillant d'une furie glaciale. Mais toi, toi ! Tu as tué Zineb ?! Pourquoi ?!

— C'était ma mission, à la base. 

— Quoi ? souffla encore Michaël. 

Nana soupira, très calme, trop calme.

— Je suis pas juste une barbouze de Géhenna, expliqua Nana. Je suis un assassin professionnel, formé et diplômé. 

Michaël resta silencieux, les yeux écarquillés. 

— Vilanel m'a initialement envoyé ici pour éliminer Zineb, révéla Nana. El travaillait avec nous avant, pour Géhenna, mais cet idiot a décidé de nous chasser de son vaisseau, malgré les nombreux services que nous nous sommes rendus mutuellement des millénaires durant. Bref. Vilanel m'a envoyé faire taire ce traitre. 

Stupéfaction, toujours. 

— Sauf qu'il y a eu un imprévu du côté de Vilanel, continua Nana, donc je me suis retrouvé avec toi sur les bras. Pas grave, je m'suis dit. Tant mieux même ! Ça va rendre ma mission routinière plus intéressante ! Plus mouvementée. V m'avait prévenu que tu étais un sacré spécimen, Phosphoros. Et franchement, même avec tout ce qu'il s'est passé, je veux que tu saches que ça a été un honneur de travailler avec toi. Sincèrement.

— Tu es un assassin, siffla Michaël.

— Oui. Mais toi aussi t'es un assassin. Ni formé, ni diplômé, mais un assassin quand même, Phosphoros. Donc ne me parle pas comme si tu étais tout blanc. 

Michaël secoua la tête, la bouche entrouverte. Dans cette situation hallucinante, el se demanda pourquoi Nana s'obstinait à l'appeler Phosphoros. Puis le Fitzarch réalisa l'étrangeté de sa propre pensée et s'enfonça dans une confusion horrifiée. 

— Au début j'étais content, continua Nana sans exprimer la moindre frustration. Mais alors là, les problèmes nous sont tombés dessus avec ABONDANCE ! 

Nana ria quelques instants avant de poursuivre. 

— Des démons du temps, j'en avais pas vu depuis la Seconde Brisure, petit prince ! Tu te rends compte !? Notre vaisseau foutu ! Paf ! En quelques heures, notre destin scellé. Fallait partir ! Fissa ! Mais tu voulais pas, Phosphoros que tu es. Alors j'ai passé un petit accord avec les sous-capitaines pour qu'on puisse se barrer en douce. 

Une douche froide s'abattit sur les épaules de Michaël. 

— Mais toi, fichu petit Phosphoros, t'as balancé les sous-capit'ailes par-dessus bord !

— Est-ce si difficile que ça de fuir le Domitia ? cracha amèrement Michaël. 

— Pour toi et moi, oh que oui petit…

— Peu importe, coupa Michaël. Je ne fuirai pas de toute façon. Tu peux partir, retrouver Vilanel si tu y tiens. Tu as accompli ta mission initiale après tout, asséna le Fitzarch en lança un regard au corps éteint de Zinebiel. Et puis toi et ton réseau d'espions et d'assassins, vous ne pourriez pas convaincre Guebourah de…

— Non, coupa à son tour Nana. Enfin, nous pourrions, bien sûr, mais nous ne voulons pas.

— Pourquoi ?!

— Des démons du temps à Madim ?! s'indigna Nana. On a déjà suffisamment à faire avec le front des labyrinthes ! Tu ne sais donc rien de ce qui t'attend à Guebourah ?

— Je sais très bien comment ça va se passer, affirma Michael. Els vont me laisser me battre auprès des troupes certes, pour motiver Hod à en envoyer davantage, mais ensuite… Quel nobl'aile de Guebourah va pomper ma graine Nana, mmh ? Monsieur S c'est ça ? C'est une grosse brutasse celui-là, mais el sait très bien à quoi servent les Fitzarch non ? 

— Ah ! Tu veux rencontrer Monsieur S ? Et beh vas-y !

Nana s’apprêta à presser un gros bouton rouge, le même que Michaël avait utilisé pour éjecter les sous capit'ailes. Préparé, le Fitzarch plongea sur Nana et attrapa son bras, le tirant hors du poste de contrôle. Nana brandit alors ses serres et les enfonça dans le cou du prince. Michaël résista, essaya de lacérer le visage de Nana. Mais la force de la vertu était surnaturelle. Ses iris et son halo devinrent rouges. El souleva le jeune prince, le suffoqua. Le sas s’ouvrit et soudain, le silence. Michaël vit le visage de Nana s’éloigner, puis la silhouette brune du Domitia s’étendre avant de s’effacer dans des cieux mauves infinis. Michaël essaya de déployer ses ailes, mais ces dernières restèrent plaquées à son dos. El voulu crier, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Alors el ferma les yeux, et attendit qu’EL emporte son âme au berceau.


Retrouvez la suite de l'histoire dans : 

Le Cycle des Cieux - Tome 4 : Intrigues au Palais d'Argent


Dans la même série :

Le Cycle des Cieux, Tome 1 : Les Gardiens de Sicad

Le Cycle des Cieux, Tome 2 : Le Fitzarch Pénitent

Le Cycle des Cieux, Tome 3 : La Route du Pendu

Le Cycle des Cieux, Tome 4 : Intrigues au Palais d’Argent

Découvrez le lore dans :

Le Cycle des Cieux, Lore 1 : L’Histoire de la Création selon les élohim

Le Cycle des Cieux, Lore 2 : Le Livre des Anges

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