Le Grand Architecte
Dernier-né des six primordieux du Tohou, le Grand Architecte vint au monde lorsque l’œuvre de ses frères et sœurs commençait déjà à foisonner, mais manquait d’unité. Là où les autres primordiaux façonnaient la Création selon leurs instincts et leurs affinités, el reçut pour tâche de penser l’ensemble, de lui donner une structure harmonieuse et durable.
Sa mission n’était pas de créer de nouvelles matières ou formes, mais de planifier et de diriger les travaux de ses pairs, afin que leurs créations ne soient pas des îlots isolés mais des parties d’un tout cohérent. Chaque élément devait s’inscrire dans un grand dessein : montagnes, fleuves, forêts, mers, mais aussi réseaux d’énergie spirituelle, cycles des saisons et correspondances entre les sphères célestes.
Pour accomplir cela, le Grand Architecte élaborait des plans cosmiques, des cartes tridimensionnelles où la matière et la lumière étaient disposées selon des symétries sacrées. El organisait les chantiers primordiaux, attribuait les tâches et s’assurait que chaque royaume naissant respectait les principes d’équilibre voulus par EL, le Créateur.
Les paysages les plus légendaires de la Création sont issus de cette époque : le Gueb et l’Astarté de Guebourah, le Palais Miroir de Yesod et la Lune éternelle, les mondes-fleurs de Tiphéreth, les Pyramides d’obsidienne de Binah, les monts de cristal pur de Kether et bien d’autres encore.
Dans ces premiers temps, le Grand Architecte agissait comme un maître d’œuvre universel, garantissant que l’édifice cosmique ne soit pas une juxtaposition chaotique de merveilles, mais une œuvre unique, reliée par des lignes de force visibles et invisibles. Son intervention fit du Tohou non pas un amas d’expériences divines dispersées, mais la fondation ordonnée de ce qui deviendrait la Création connue.
La création des anges
La Première Brisure survient. Une surcharge luminique fend les séphiroth comme du verre, déchire les fils de la Création et pulvérise Adam Kadmon. Son âme, EL, se fragmente en une myriade de particules divines, d’innombrables petites âmes qui chutent dans les mondes fertiles de Malkouth et s’y incarnent.
Les déchirures ouvertes par la Brisure deviennent des portes béantes d’où s’engouffrent les démons. Les primordiaux se jettent dans la bataille, mais leurs forces s’épuisent. Els frôlent l’anéantissement… jusqu’à ce que le Porteur de Lumière surgisse. Sa lumière balaye les ténèbres et, pour un temps, repousse l’assaut.
Lorsque la situation se stabilise, le Grand Architecte prend la parole. Sur les décombres encore fumants de la Création, el déploie ses parchemins cosmiques et dessine le plan du Grand Dessein : reconstruire EL, son corps, son âme, et défendre la Création contre les démons.
Conscient qu’el ne peut accomplir seul une telle tâche, le Grand Architecte répartit les rôles entre ses frères primordiaux, ainsi qu’entre leur nouvelle descendance : les élohim, conçus avec les azohim forgées par le Porteur de Lumière.
Dès lors, deux figures émergent comme piliers de ce nouvel ordre : le Porteur de Lumière, force vive et stratège brillant.Le Grand Architecte, tempérance et planification incarnées. À el revient la mission la plus ardue : reconstruire l’âme d’EL. Pour cela, el engendre les anges, une lignée dédiée à guider les petites âmes dispersées, à élever leur conscience jusqu’à ce qu’elles puissent remonter vers leur source, au sommet de la Création.
Les anges œuvrent sur tous les plans : dans l’invisible, els modèlent l’inconscient des âmes ; dans le visible, els façonnent la nature environnante qui influence chaque destin. Leur mission exige une planification millimétrée, un travail patient et invisible, inscrit dans les fondements mêmes de l’univers.
Ainsi, le Grand Architecte choisit Yesod, le Royaume de la Fondation, comme siège de son pouvoir. C’est là que se dresse le cœur battant de son œuvre : un réseau d’anges disséminés dans toute la Création, tissant sans relâche le plan qui, un jour, réunira toutes les âmes à EL.
La ruée vers les âmes
Le Haut Tikkun marque une période d’expansion inégalée pour les anges. Els se déploient dans les moindres recoins de la Création, explorant chaque monde fertile, chaque voie céleste, chaque recoin obscur où une âme pourrait sommeiller.
Les anges gardiens s’installent dans les mondes fertiles, veillant sur les âmes incarnées depuis les premiers battements de leur vie jusqu’à leur dernier souffle. Les anges du jugement patrouillent sur les routes célestes, guidant les âmes désincarnées vers leur destination, jugeant leurs progrès. Les anges de la miséricorde, els, œuvrent dans les séphiroth pour former les âmes avant leur prochaine réincarnation, leur inculquant les germes de la conscience et de l’éveil.
Le Grand Architecte ne laisse rien au hasard. Chaque chorale angélique est fondée avec une précision chirurgicale. Pour stimuler la performance, el instaure des rivalités encadrées par des règles strictes : tournois d’efficacité, missions en parallèle, comparaisons publiques des résultats.
Sous cette pression, les anges affinent rapidement leurs techniques de manipulation de l’inconscient et d’optimisation des environnements spirituels. Et il le faut : la majorité des âmes sont à un stade rudimentaire, enfermées dans des organismes unicellulaires ou de simples colonies bactériennes.
Mais la compétition, inévitablement, dérape. Les prophéties des dominations, parfois ambiguës ou mal interprétées, attisent les convoitises. Des chorales entières s’affrontent pour s’approprier des territoires où les âmes semblent prometteuses. Les conflits se muent en véritables guerres froides, ponctuées de sabotages à grande échelle et d’affrontements quasi militaires dans les zones frontières.
Le Grand Architecte observe sans intervenir, curieux de voir jusqu’où ces rivalités mèneront ses enfants. Pendant ce temps, certains Fitzarch, ses propres fils, découvrent les fruits de la connaissance, artefacts vivants qu’el a créés, chacun porteur d’un don unique. En les consommant, els développent des pouvoirs supérieurs spécialisés : Padmilia apprend à plier et forger le métal par la seule force de son esprit ; Aradim voit son corps atteindre des dimensions colossales, pouvant déplacer des astéroïdes à mains nues.
Ces dons exceptionnels ne font qu’exacerber les divisions. Les chorales se rallient autour de leurs Fitzarch comme autour de chefs de guerre, formant de véritables cultes de la personnalité. L’efficacité de leur mission s’effrite : trop occupés à s’affronter, les anges négligent le développement des âmes et, pire encore, la surveillance des incursions démoniaques.
Cette tendance atteint son paroxysme en 3801, lorsque Padmilia Fitzarch et Chang’el Fitzchan entrent en conflit ouvert. Leur enjeu : la conquête du superamas galactique de Laniakea, vaste domaine de plus de cent mille galaxies, saturé de mondes fertiles.
Les négociations échouent. Aucun des deux ne veut céder la moindre portion de territoire. La cause profonde de leur entêtement réside dans une prophétie de la très renommée domination Quariel : quelque part dans Laniakea naîtra un monde unique, abritant des créatures destinées à sauver la Création. Mais Quariel est incapable d’en désigner la position exacte.
Résolus à s’en emparer, Padmilia et Chang’el refusent tout compromis. Le conflit divise profondément les anges et les principautés, qui, malgré leur bonne volonté, se retrouvent enrôlés dans cette rivalité fratricide. Les deux camps se concentrent tant sur leur guerre que des centaines de milliers de planètes fertiles tombent aux mains des démons.
Lorsque la nouvelle parvient au Grand Architecte, sa colère est terrible. Les deux Fitzarch sont mis à pied pour un millier de cycles. Laniakea est finalement partagé entre plusieurs souverains des deux camps, choisis pour leur bonne volonté et leurs actes honorables pendant la crise.
Mais cet arbitrage laisse des traces. Au sein des Perpétu’Ailes, souverains de Malkouth, un constat s’impose : si rien n’est fait, la prochaine querelle interne pourrait anéantir des millénaires de travail et compromettre la recomposition d’EL. Une réforme profonde de l’organisation angélique devient inévitable. Ainsi, la Guildes des Architectes est fondée.
L’âge d’or des anges
Pour mettre fin aux querelles qui minent l’efficacité du Grand Dessein, le Grand Architecte et le Chanteur Merveille unissent leurs forces et fondent la Guilde des Architectes.
Cette institution, installée au cœur du royaume de Yesod, devient l’organe central de coordination des activités angéliques. Son rôle : superviser l’ensemble des chorales, attribuer les mandats, et désigner les souverains chargés de veiller sur chaque domaine d’âmes, que ce soit dans Malkouth ou dans les autres royaumes des Cieux.
L’autorité de la Guilde est incontestable. Sa parole tranche les litiges, son sceau scelle les traités. Les anciennes rivalités s’apaisent rapidement : les Fitzarch et Fitzchan, jadis maîtres de factions rivales, se plient à ses décisions. Les chorales, autrefois jalouses de leurs secrets, commencent à partager ouvertement leurs savoir-faire.
Les techniques de guidance des âmes, de structuration des environnements et de manipulation de l’inconscient sont mises en commun, perfectionnées par des ateliers coopératifs et des missions conjointes. Sous cette nouvelle organisation, les anges deviennent efficaces partout. Sur les mondes incarnés, els optimisent la croissance spirituelle des populations. Dans les séphiroth, els affinent les réincarnations et préparent les âmes avec une précision inégalée. Sur les routes célestes, els assurent un flux constant d’âmes vers les hauteurs de la Création.
Le Grand Dessein progresse à un rythme jamais vu. Les pertes dues aux démons sont contenues, les retards accumulés par les querelles passées se résorbent peu à peu. Dans les couloirs de Yesod comme dans les marchés célestes de Malkouth, une rumeur s’installe : et si le Grand Architecte avait tout prévu depuis le début ? Certains murmurent qu’el aurait volontairement laissé les rivalités éclater, pour tester ses enfants et les pousser à dépasser leurs limites, avant de les unir sous un ordre unique. Le Grand Architecte, fidèle à sa réputation, ne confirme ni ne dément, se contentant de sourire et de tracer, en silence, les prochains plans du Grand Dessein.
La Seconde Brisure
En 6665, la Seconde Brisure éclate, balayant d’un revers de ténèbres tout ce que le Grand Dessein avait accompli depuis des millénaires. La Création tremble sous la poussée des hordes démoniaques, déferlant depuis l’Ayin comme un raz-de-marée irrépressible. Les anges sont les premières victimes, non pas pour leur importance stratégique, mais pour leur vulnérabilité.
Leurs mondes, consacrés à l’élévation des âmes et dépourvus de véritables fortifications, deviennent des proies idéales. Les démons les engloutissent les uns après les autres : les jardins de lumière sont consumés, les bibliothèques de mémoire vivante réduites en cendres, et les sanctuaires de Fondation profanés. Les routes célestes, artères vitales reliant les séphiroth, sont brisées ou noyées dans des tempêtes d’ombre, isolant chaque domaine. Les séphiroth elles-mêmes se couvrent de cicatrices noires et deviennent méconnaissables.
Les Fitzarch, fils du Grand Architecte, refusent d’abandonner leurs mondes. Avec un courage désespéré, els transforment leurs chorales angéliques en défenseurs de fortune, réquisitionnant toute ressource, improvisant des remparts, armant des anges qui n’ont jamais manié d’armes. Les batailles sont brèves mais acharnées, et si la plupart finissent en tragédie, la bravoure des Fitzarch est notée et honorée jusque dans les rapports de la Milice.
La Milice elle-même tente d’intervenir, mais ses forces sont trop dispersées pour contenir une telle invasion. Les anges, même armés et galvanisés par leurs Fitzarch, ne sont pas formés pour la guerre. Leurs défenses, héroïques mais fragiles, s’effondrent face à la brutalité démoniaque.
Au terme de la campagne, il ne reste presque rien. Seules quelques flottes isolées survivent, celles qui, par hasard, naviguaient loin de toute concentration d’âmes et échappent à l’attention des démons. Désormais errantes dans les confins de la Création, elles portent la mémoire de ce qui fut, témoins silencieux d’un âge révolu.
Les anges ne renaîtront pas de sitôt. Et pour le Grand Architecte, la Seconde Brisure marque non seulement la perte d’un peuple, mais aussi la destruction du maillon le plus crucial de son plan pour recomposer EL. Le Grand Architecte ne reste pas spectateur. El descend sur les champs de bataille, abandonnant ses plans et ses cartes cosmiques pour brandir les armes des Fitzarch tombés. Sa lumière se déploie en bastions éphémères, ralentissant l’avancée démoniaque, et ses ordres résonnent sur toutes les routes célestes encore intactes.
Mais la marée noire est trop vaste. L’un après l’autre, ses frères primordiaux tombent. Par la force du hasard, de la stratégie… ou peut-être d’un instinct divin de survie, le Grand Architecte devient le dernier des primordiaux encore en vie.
Cette survie attire aussitôt l’attention de ses enfants les plus fidèles. Padmilia et Aradim Fitzarch, comprenant que la disparition de leur père signifierait la fin définitive du Grand Dessein, élaborent un plan désespéré. Els réussissent à l’arracher au front et, bravant les hordes démoniaques, le transportent jusqu’au Palais d’Argent de Yesod. Là, els l’enferment volontairement, non comme un prisonnier, mais comme un trésor vivant : la graine primordiale, dernier espoir de reconstruction de la Création.
Privé de ses armées, séparé des vastes chantiers qui portaient son nom, le Grand Architecte devient le Roi des Cendres. Père d’un peuple presque anéanti, el veille désormais depuis les tours cristallines du Palais d’Argent, contemplant un horizon de ruines. Ses cartes ne sont plus que des terres mortes, ses routes célestes brisées, ses chorales réduites à des murmures errants dans l’espace.
Pourtant, derrière les murs scellés du Palais, le Grand Architecte continue de tracer des lignes, d’esquisser des cercles. Car même réduit à un vestige, el sait que toute fondation, aussi abîmée soit-elle, peut encore porter un monde.
La reconstruction
Retranché dans le Palais d’Argent, le Grand Architecte ne se laisse pas consumer par la défaite. Sitôt ses forces revenues, el reprend le travail, traçant de nouvelles cartes cosmiques au milieu des ruines.
À ses côtés se tiennent les vertus de Sandalphon, architectes de la logistique céleste et maîtres des réseaux d’approvisionnement spirituels. Ensemble, els réactivent ce qui reste des routes célestes, réparent les ponts effondrés entre les séphiroth, et rallument les phares de guidage pour les flottes errantes d’élohim et d’anges.
Mais la victoire n’efface pas les rancunes. Les élohim survivants, éparpillés aux quatre coins de la Création, se disputent les ressources, les territoires, et surtout les âmes fertiles encore intactes. Les conflits de l’après-guerre menacent d’achever ce que la Seconde Brisure a commencé.
Le Grand Architecte impose alors son autorité. Avec la solennité d’un primordieux et la fermeté d’un souverain assiégé, el élève certains héros de l’après-guerre au rang d’archanges, leur confiant la souveraineté sur les domaines encore debout. Ces nouveaux dirigeants deviennent les piliers d’un ordre restauré, garants de la stabilité et de la reconstruction.
Sous sa houlette, la Guilde des Architectes renaît de ses cendres. L’organisation, renforcée par les leçons de la catastrophe, reprend son rôle de coordination suprême. Les mandats sont redistribués, les anciennes querelles tranchées, et les chantiers du Grand Dessein sont relancés.
Les anges renaissent eux aussi. Les survivants sortent de l’ombre, et de nouvelles générations sont engendrées. Malgré le souvenir amer de l’anéantissement et la menace constante des démons, els reprennent leur mission avec une ardeur renouvelée, investissant de nouveau les mondes fertiles, guidant les âmes et entretenant la fragile flamme de l’espoir.
Ainsi, dans un univers encore dévasté, le Grand Architecte se dresse comme un maître d’œuvre de l’impossible : rebâtir la Création à partir de ses ruines, tout en tenant à distance l’obscurité qui n’attend qu’une faille pour tout engloutir.
La Reconquête de Yesod et la Fracture des Royaumes
Lorsque les anges renaissent, leur premier objectif est de réinvestir le royaume de Yesod, cœur historique de leur mission. Mais els découvrent un territoire méconnaissable : les plaines nocturnes sont noyées sous des brumes opaques, les tours d’argent effondrées, et dans les rues désertes rôdent des entités cauchemardesques.
Ces êtres ne sont pas des démons, mais des fragments d’âmes mortelles déformés par les horreurs vécues lors de la Seconde Brisure. Prisonniers de leurs traumatismes, ils errent dans des visions cycliques, attaquant instinctivement tout ce qui s’approche. Leur présence empêche toute installation durable.
L’archange Nitel prend la tête de la reconquête. El s’allie à la Milice des Songes, corps spécialisé dans la navigation et la pacification des royaumes oniriques, pour purger les cauchemars et ramener la stabilité. Après une campagne longue et éprouvante, els reprennent le Palais Miroir, centre névralgique des travaux des anges, où sont consignés les plans de guidance des âmes et les archives des chorales.
Nitel, loyal au Grand Architecte, lui propose de reprendre sa place dans ce palais restauré. Mais el refuse. Désormais seul souverain de la Création, ou, du moins, des royaumes inférieurs encore debout, le Grand Architecte choisit de demeurer dans le Palais d’Argent, citadelle-refuge où el coordonne ses armées spirituelles et poursuit le Grand Dessein.
En parallèle, une nouvelle épreuve se dresse : la fracture de l’Abysse. Entre les royaumes inférieurs et supérieurs s’étend désormais un gouffre insondable, que seules les âmes peuvent franchir pour poursuivre leur ascension. Les anges, els, en sont incapables.
Ainsi, les anges des royaumes supérieurs et inférieurs se retrouvent coupés l’un de l’autre, incapables d’échanger savoirs, renforts ou messages. Cette séparation impose de nouvelles méthodes, chaque moitié du peuple angélique travaillant désormais dans une ignorance mutuelle, espérant que leurs efforts convergeront malgré l’absence de toute coordination directe.
Les Conséquences de la Fracture de l’Abysse
L’isolement imposé par l’Abysse ne coupe pas seulement la communication entre les anges des royaumes supérieurs et inférieurs : il fragmente le chemin même des âmes.
Désormais, le voyage entre EL et la vie est scindé en deux passages distincts, dont les gardiens ne peuvent plus échanger la moindre information.
Dans les royaumes inférieurs, les anges continuent d’accompagner les âmes depuis leur incarnation jusqu’à Hessed, mais ne contrôlent plus les processus au-delà. Les âmes qui redescendent des royaumes supérieurs réapparaissent sans explication, renvoyées vers de nouvelles incarnations sans que personne ne sache ce qu’il leur est arrivé là-haut. Le pourquoi et le comment de leur rejet demeurent un mystère total, ce qui complique terriblement le raffinement spirituel : impossible d’ajuster le travail si on ignore ce qui a échoué.
Dans les royaumes supérieurs, le problème est inverse. Les anges reçoivent des âmes déjà avancées, mais ne savent rien de leur passé dans les mondes incarnés. Cette ignorance rend les dernières routes vers EL particulièrement ardues à franchir : comment guider une âme à sa perfection si l’on ignore les blessures, les forces ou les expériences qui l’ont façonnée ?
Ce point aveugle affaiblit tout le processus. L’efficacité du Grand Dessein chute. Les cycles se multiplient, certains se répètent inutilement, et des âmes prometteuses s’égarent dans des chemins improductifs.
Pour le Grand Architecte, la gestion de cette situation est un défi colossal. Dans les royaumes inférieurs, el tente de compenser par une planification plus fine, en multipliant les observations et en analysant les motifs récurrents des échecs. Mais rien ne remplace les informations directes venues des royaumes supérieurs… qu’el ne peut plus atteindre.
Et là-haut, la situation est tout aussi précaire. Les anges des royaumes supérieurs ignorent même que le Grand Architecte est encore en vie. Leur loyauté va à Métatron, séraphin devenu régent par nécessité. Conscient du découragement de ses troupes, Métatron fait de son mieux pour maintenir la discipline et l’espoir, mais les résultats sont inégaux : l’absence de coordination, la lassitude et les échecs répétés minent peu à peu la motivation des chorales supérieures.
Ainsi, la fracture de l’Abysse n’est pas seulement une coupure logistique : c’est une rupture dans la chaîne même du salut. Et tant que les deux côtés du chemin resteront isolés, le Grand Dessein avancera comme un navire privé de son gouvernail.
La réunification des royaumes
Après des cycles innombrables d’isolement, les partzufim finissent par ouvrir un passage à travers l’Abysse. La première traversée réussie devient un événement historique : après tant de cycles, les anges séparés peuvent enfin échanger des informations, des techniques et des récits. Les chorales, longtemps livrées à elles-mêmes, redécouvrent la sensation de travailler pour un objectif véritablement commun. Le Grand Dessein gagne en efficacité : les âmes bénéficient d’un suivi complet sur tout leur parcours, du premier souffle dans les mondes incarnés jusqu’à leur arrivée aux portes d’EL.
Mais cette réunification n’est pas sans complications. Les méthodes de travail ont divergé au fil des cycles d’isolement. Les anges des royaumes supérieurs, sous l’autorité de Métatron, ont développé des approches plus directes et sévères pour pousser les âmes vers leur perfection finale, tandis que ceux des royaumes inférieurs, sous la guidance du Grand Architecte, privilégient une préparation lente et minutieuse. Les deux visions entrent parfois en conflit : l’une accuse l’autre de laxisme, l’autre dénonce une rigidité contre-productive.
Sur le plan politique, la révélation de la survie du Grand Architecte provoque un séisme. Les anges des royaumes supérieurs, longtemps persuadés que leur ancêtre avait disparu, doivent réévaluer leurs allégeances. Métatron, bien que loyal, voit une partie de son autorité remise en question. Le Grand Architecte, conscient de la délicatesse de la situation, ne cherche pas à le supplanter mais propose une corégence : chaque souverain reste maître dans sa sphère, tout en collaborant étroitement sur les décisions majeures.
La réunification apporte donc à la fois un renouveau d’efficacité et une zone de tensions. L’enthousiasme initial se mêle à des rivalités de doctrine, des querelles d’ego et des ajustements laborieux. Mais pour la première fois depuis la Seconde Brisure, les anges peuvent œuvrer côte à côte sur la totalité du chemin des âmes, et cela suffit à ranimer l’espoir que, peut-être, le Grand Dessein pourra un jour s’accomplir.
La croisade du Primogène (9000-10000)
En l’an 9000, Sandalphon prend une décision qui va marquer toute une ère : le lancement de sa Croisade à Malkouth. Son objectif est clair et ambitieux : retrouver les mondes-fertiles perdus depuis la Seconde Brisure et y rétablir la culture des âmes. Car chaque monde fertile abandonné est une source tarie dans le fleuve du Grand Dessein, et Sandalphon ne supporte plus cette hémorragie silencieuse.
Les anges, acteurs essentiels de ce travail de cultivation spirituelle, sont embarqués en priorité dans les flottes expéditionnaires. Leur présence est encouragée et même exigée par le Grand Architecte, qui voit dans cette campagne une chance unique d’accélérer la reconstruction du réseau d’élévation des âmes.
La Milice des Croisés ouvre la marche, libérant un à un les mondes tombés sous le joug démoniaque ou laissés à l’abandon. Les combats sont souvent acharnés, mais la stratégie conjointe de Sandalphon et du Grand Architecte porte ses fruits. Les armées célestes nettoient et sécurisent les territoires. Les anges réinvestissent immédiatement les zones libérées, restaurant les sanctuaires, reconstruisant les routes célestes locales, et reprenant la guidance des âmes.
Au fil de la Croisade, la flotte fait aussi des découvertes inattendues : des mondes isolés où des communautés d’anges ont survécu depuis la Seconde Brisure, totalement coupées du reste de la Création pendant plusieurs millénaires. Ces survivants, façonnés par des siècles d’autarcie, ont développé leurs propres rites, hiérarchies et interprétations du Grand Dessein. Certains accueillent la réunification avec un soulagement et une ferveur bouleversants. D’autres, plus méfiants, voient dans l’arrivée des flottes une intrusion ou une menace à leur indépendance durement acquise.
Ce choc culturel entraîne des situations contrastées :
- Intégrations harmonieuses, où les survivants apportent des techniques inédites de cultivation des âmes, affinées dans des contextes extrêmes.
- Tensions locales, lorsque les doctrines s’opposent ou que les nouveaux arrivants cherchent à imposer des règles jugées étrangères.
- Crises graves, parfois marquées par des rébellions ouvertes ou des départs massifs de survivants refusant de se soumettre à l’autorité centralisée.
Malgré ces difficultés, la Croisade de Sandalphon reste un tournant positif : elle redonne aux anges une présence massive à Malkouth, réactive des centaines de flux d’âmes, et réinsuffle un sentiment d’expansion et de victoire dans un peuple longtemps accoutumé à la survie précaire.
Mais dans les coulisses, le Grand Architecte sait que chaque monde reconquis est aussi un foyer potentiel de fractures internes, et qu’il faudra une diplomatie patiente pour transformer ces conquêtes en fondations stables pour l’avenir du Grand Dessein.
Voici un texte qui introduit les anges contemporains au cycle 14000, en intégrant la continuité historique et l’atmosphère d’un peuple persévérant malgré le danger :
Les Anges Contemporains (Cycle 14000)
En ce cycle 14000, les anges poursuivent sans relâche l’œuvre millénaire du Grand Dessein. Leurs chorales se déploient dans tous les royaumes inférieurs et jusqu’aux confins de Malkouth, cultivant les âmes comme on cultive des étoiles naissantes. Chaque mission, chaque guidance, chaque réparation des routes célestes s’inscrit dans un plan patient dont l’achèvement ne se mesure pas en siècles, mais en éternités.
Pourtant, l’époque n’est pas paisible. Les hordes titanesques, des entités démoniaques colossales, avatars de destruction pure, menacent sans cesse les mondes fertiles. Elles surgissent des fractures de l’Ayin, anéantissant parfois en quelques heures des décennies de travail patient. Leur passage laisse des mondes brisés, des sanctuaires éventrés, et des séphiroth locales souillées.
Face à cette menace, les anges ne se transforment pas en armées de guerre : ce n’est pas leur nature. Mais els se sont adaptés. Les chorales travaillent désormais main dans la main avec la Milice et la Guilde des Architectes, assurant des évacuations rapides, cachant des sanctuaires dans les replis du rêve, et dispersant les âmes avant que les titans ne puissent les consumer.
Dans ce contexte, la mission des anges contemporains est marquée par un double défi : protéger les progrès du Grand Dessein contre des menaces d’une ampleur cosmique ; et poursuivre l’élévation spirituelle des âmes malgré l’incertitude et la destruction périodique de leurs œuvres.
Le Grand Architecte, toujours retranché au Palais d’Argent, veille sur ses enfants et coordonne leurs efforts avec une précision inlassable. Les anges savent que, tant que leur ancêtre demeure, le Grand Dessein n’est pas perdu, même si chaque avancée doit être arrachée aux mâchoires du chaos.
Ainsi, au cycle 14000, les anges incarnent la résilience. Els ne se battent pas pour vaincre une bonne fois pour toutes les hordes titanesques, cela relève d’autres ordres élohiens, mais pour s’assurer qu’aucune nuit ne soit assez longue pour étouffer la lumière fragile qu’els entretiennent au cœur de chaque âme.
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Le Cycle d'AZ et EL, Tome 1 : Les Gardiens de Sicad
Le Cycle d'AZ et EL, Tome 2 : Le Fitzarch Pénitent
Le Cycle d'AZ et EL, Tome 3 : La Route du Pendu
Le Cycle d'AZ et EL, Tome 4 : Intrigues au Palais d’Argent
Le Cycle d'AZ et EL, Tome 5 : L'Amour ou la Mort
Découvrez le lore dans :
Le Cycle d'AZ et EL, Lore 1 : L’Histoire de la Création selon les élohim
Le Cycle d'AZ et EL, Lore 2 : Le Livre des Anges
Le Cycle d'AZ et EL, Lore 3 : Le Livre des Principautés
Le Cycle d'AZ et EL, Lore 4 : Le Livre des Puissances
Le Cycle d'AZ et EL, Lore 5 : Le Livre des Dominations
Le Cycle d'AZ et EL, Lore 6 : Le Livre des Séraphins
Le Cycle d'AZ et EL, Lore 7 : Le Livre des Chérubins
Le Cycle d'AZ et EL, Lore 8 : Le Livre des Vertus